Envoyer des Hommes sur Mars est l’obsession d’un cercle grandissant de Terriens : jeunes passionnés d’espace et de science-fiction, nostalgiques de la conquête de l’espace, entrepreneurs mégalomanes ou autres ingénieurs audacieux.
Ce phénomène ne fait que se renforcer ces dernières années, voici 4 récents faits marquants :
- On peut citer le pari un peu fou de Mars One, une organisation créée aux Pays-Bas en 2011 avec l’objectif d’envoyer sur Mars d’ici à 2027 une mission humaine sans retour aux fins d’y établir une colonie permanente, le tout financé par les retombées publicitaires à attendre de la médiatisation de l’aventure. Un projet que beaucoup dans la communauté spatiale ne jugent pas sérieux, mais qui a tout de même reçu à ce jour plus de 200 000 candidatures d’hommes et femmes prêts à tout quitter pour aller finir leur vie sur Mars. ·
- Le succès à l’automne dernier du film The Martian (Seul sur Mars en France) qui s’est classé au 102ème rang du box office mondial de tous les temps, dans lequel Matt Damon joue le rôle de Mark Watney, un astronaute mélange de MacGyver et Robinson Crusoé se retrouvant livré à lui-même sur Mars.
- Plus largement, comme évoqué, envoyer des hommes sur Mars est l’objectif ultime du programme habité de la NASA, à horizon 2030-2040. Objectif réaffiché officiellement en septembre 2015, et illustré par l’emploi sur Twitter du hashatg #JourneyToMars par l’agence spatiale américaine elle-même !
- Mais c’est Elon Musk qui semble le plus près de pouvoir offrir à l’Homme ses premiers pas sur la planète rouge. Elon Musk, après avoir fait fortune en revendant ses parts de Paypal, a su créer en quelques années et après des débuts difficiles une entreprise qui est aujourd’hui en train de révolutionner l’accès à l’espace, SpaceX. Elon Musk a annoncé en janvier 2016 et répété le premier juin 2016 que SpaceX prévoyait d’envoyer le premier homme sur Mars en 2024, avec arrivée en 2025. On l’a dit, les premiers détails du vaisseau spatial devant servir à faire le voyage seront révélés dès septembre 2016. Elon Musk d’ajouter qu’il souhaite « finir sa vie sur Mars » et de préciser avec humour « mais pas lors d’un crash ».
Voici maintenant les 5 principales raisons invoquées pour envoyer l’Homme au plus tôt sur Mars :
- Pour la science : Mars a eu un océan d’eau liquide pour au moins un milliard d’années, soit cinq fois plus de temps qu’il en a fallu pour que la vie apparaisse sur Terre. La vie est-elle apparue sur Mars ? Si oui on en déduirait que l’apparition de la vie est un phénomène très probable une fois les conditions réunies, ce qui voudrait aussi dire que notre univers grouille de vie. Sinon, nous devrions alors notre existence à une série unique de coïncidences. Dans tous les cas, notre compréhension de la place de l’Homme dans l’univers en serait changée à jamais. Ce serait ainsi notre devoir d’aller sur Mars pour mener l’enquête.
- Pour le défi technologique : parvenir à envoyer des hommes sur Mars serait un véritable exploit technique. A l’image du programme Apollo, cette épopée ne manquerait pas de réconcilier la jeunesse avec les sciences et de susciter moult vocations d’ingénieurs. Des innovations techniques verraient le jour en chemin qui finiraient par profiter au plus grand nombre. Ainsi des besoins de la NASA dans les années 60 qui ont accéléré considérablement l’avènement de l’informatique. Le GPS est un autre exemple célèbre de technologie permise par la conquête de l’espace. Tout comme demain l’accès à internet sans fil où que l’on soit sur Terre.
- Pour jeter les fondations d’une nouvelle civilisation qui, du fait de l’éloignement de la Terre, saura rapidement s’affranchir des pesanteurs terrestres (au sens propre et figuré) et des vieilles idéologies pour mieux construire un monde neuf, un nouveau front pionnier que pourront rejoindre les plus audacieux. Un nouveau monde façonné par le pragmatisme et l’ingéniosité qui ne tardera pas à revitaliser l’ancien, comme les Etats-Unis d’une certaine façon, qui, nés et émancipés de l’Europe, ont pu devenir la nation la plus puissante et rayonner sur le monde à bien des égards, entre autres comme locomotive du progrès scientifique et technique.
- Pour la survie de l’Homme : L’humanité serait à la merci à plus ou moins long terme de différentes menaces comme une guerre nucléaire, ou des cataclysmes venus de l’espace, au premier rang desquels un astéroïde qui viendrait percuter la Terre. Il faudrait donc « sauvegarder » l’espèce humaine dans l’espace et faire de l’Homme une espèce « multi-planétaire » au plus vite. C’est la raison notamment invoquée par Elon Musk ou encore Stephen Hawking.
- Pour l’aventure et le spectacle : une telle expédition aurait vite fait de capturer l’imagination du public, ce serait une belle histoire que beaucoup auraient envie de suivre. Après tout, le premier « moon landing » avait été suivi en direct à la télévision par près de 600 millions de personnes, un record vu le taux d’équipement à l’époque. L’aventure, c’est l’autre raison citée par Elon Musk. C’est aussi celle sur laquelle l’équipe Mars One espère pouvoir compter pour financer son projet. On se souvient de Stratos, ce finalement « modeste » saut dans le vide à 39km d’altitude depuis la stratosphère, sponsorisé par Red Bull, qui avait malgré tout suscité un élan incroyable, et été couvert en direct par de nombreuses chaînes d’information.
Pour mon humble part, j’ai depuis très jeune une fascination pour l’espace et son exploration, et ai longtemps été sous le charme de l’idée de voir l’homme fouler le sol martien, de voir l’homme devenir une espèce multi-planétaire. Mon intérêt pour la planète rouge s’est mué en ferveur, je dirais même en « fièvre rouge » en 2015 suite à la lecture de plusieurs ouvrages :
- Le long article en trois parties de Tim Urban, auteur du blog WaitButWhy.com, intitulé How (and Why) SpaceX Will Colonize Mars. Sur son blog, Tim Urban creuse longuement et avec sagacité toutes sortes de sujets en usant d’un ton familier inimitable. Cela lui a valu d’être contacté par un certain Elon Musk désireux de se confier à lui pour lui expliquer les ambitions et motivations derrière SpaceX.
- Le livre de référence The Case for Mars de Robert Zubrin (titre en français : Cap sur Mars : Un plan pour l'exploration et la colonisation de Mars par l'homme). Robert Zubrin est un ingénieur aérospatial, fondateur de la Mars Society. Dans The Case For Mars, il détaille pourquoi l’Homme doit se rendre sur Mars au plus vite, et comment le faire à moindre prix (6 milliards de dollars) et à horizon 10 ans avec des technologies existantes. Avec Elon Musk, c’est sans doute l’avocat le plus zélé de la colonisation humaine de Mars. Lorsqu’Elon Musk s’est décidé à passer aux choses sérieuses dans le domaine de l’espace en 2001 après la revente de ses parts de Paypal, Robert Zubrin est une des premières personnes vers lesquelles il s’est tourné.
- Le livre de Buzz Aldrin, deuxième homme à avoir marché sur la lune : Mission to Mars: My Vision for Space Exploration
- Le roman The Martian d’Andy Weir, qui a servi de base au film évoqué plus haut.
Mais seulement voilà, c’est en prolongeant cette démarche et en continuant à creuser le sujet que je me suis rendu compte de la « supercherie ». Il s’en est sans doute fallu de peu pour que je ne succombe moi-même à l’aveuglement qui semble avoir frappé les thuriféraires les plus sincères de l’exploration humaine de Mars.
Cette prise de conscience je la dois notamment à Robert Walker, un inventeur, programmeur informatique, musicien, compositeur et mathématicien écossais, arborant une grande barbe blanche de philosophe grec. Il a lu, et continue de lire, tout ou presque de la littérature scientifique et académique relative à Mars. Il est aussi très actif sur Quora où il a été désigné meilleur contributeur en 2015 et 2016 sur les sujets liés à Mars et l’espace. Cet essai reprend, synthétise, restructure, élargit et complète certaines de ses réflexions distillées au gré d’articles très fournis et publiés en anglais sur la plateforme www.science20.com/robertinventor.
Je vais expliquer au prochain chapitre que c’est précisément pour pouvoir répondre au mieux aux questions scientifiques existentielles évoquées précédemment qu’il ne faut pas que l’Homme aille sur Mars, à cause des risques de contamination qui viendraient gâcher irréversiblement nos investigations.
Je traiterai ensuite au chapitre 3 les principales objections à ces risques formulées par les apôtres d’une mission habitée sur Mars.
Dans les derniers chapitres de cet essai je dirai pourquoi les besoins d’aventures et de défis techniques, l’envie de créer une nouvelle civilisation ou encore la volonté d’acheter une assurance pour l’espèce humaine n’impliquent pas nécessairement d’aller sur Mars, si bien que le jeu n’en vaut pas la chandelle au regard des risques de contamination.
Voilà, vous avez fini le chapitre d’introduction de cet essai Pourquoi Elon Musk ne doit pas envoyer l’Homme sur Mars, je vous remercie de votre attention et j’espère que vous apprécierez la suite !
Échangeons ! N’hésitez à me faire part de vos remarques ou questions dans les commentaires ou en privé à thomasjestin@gmail.com. Et si vous avez trouvé cet article un tant soit peu intéressant, vous apprécierez peut-être mes tweets : twitter.com/thomasjestin. J’écris aussi régulièrement des chroniques sur la technologie dans le Journal du Net.
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